Privileged Conversations: Lack of In-house Privilege Hurts Business Competition in France / Le manque de legal privilege nuit à la concurrence des entreprises françaises

The ACC Docket series "Privileged Conversations” is a collection of interviews and discussions on in-house privilege and ACC’s efforts to defend it worldwide.


French businesses are disadvantaged in international markets by the lack of legal privilege for their in-house lawyers. Last year, France briefly introduced a draft bill to reform the legal profession that would have experimented with giving privilege to in-house counsel. 

Laure Lavorel is president of Cercle Montesquieu, an association of French general counsel. She is also international general counsel and manager of Broadcom in Switzerland. In an interview with ACC Deputy General Counsel Veronica Pastor, Lavorel discusses the lack of legal privilege in France and its effect on businesses, the economy, and international competition.

Les entreprises françaises sont désavantagées sur les marchés internationaux par le manque de protection du secret professionel (legal privilege) pour leurs juristes internes. L'année dernière, la France a brièvement présenté un projet de loi visant à réformer la profession d'avocat qui aurait tenté de donner ce privilège aux avocats d'entreprise.

Laure Lavorel est présidente du Cercle Montesquieu, l'association des directeurs juridiques français. Elle est également directrice juridique internationale de Broadcom en Suisse. Dans un entretien avec la directrice juridique adjointe de l'ACC, Veronica Pastor, Lavorel discute du manque de legal privilege en France et de ses effets sur les entreprises, l'économie et la concurrence internationale.

Veronica Pastor: What is the status of in-house counsel in France? How are they regulated compared to private firm lawyers?

Laure Lavorel: Unlike in Anglo-Saxon countries and most European jurisdictions, in-house counsel in France are not members of the bar and are not afforded the same status as law firm lawyers.

They are bound by professional secrecy under voluntary rules promulgated by Cercle Montesquieu and the French Association of Corporate Counsel (AFJE), but their written work product is not protected by law, whether in litigation or when providing legal advice. Therefore, their work product may be seized in civil or criminal litigation and in administrative proceedings.

Laure Lavorel

This limitation clearly puts French companies at a disadvantage. It makes it impossible for French in-house counsel to formalize their recommendations in writing, to audit their companies’ practices in areas as sensitive as corruption, money laundering, international sanctions, or other financial crimes without running the risk of having their work product used against their client. This weakens the legal department’s effectiveness in preventing legal and compliance risks and makes French companies the preferred target of international regulators.

Ultimately, this approach also challenges historic and democratic values. It means that France, the country where the Universal Declaration of Human Rights was adopted, is one of the last Organisation for Economic Cooperation and Development (OECD) countries to not recognize the right to legal defense in business.

Veronica Pastor: Quel est le statut des juristes d'entreprise en France? Comment sont-ils réglementés, par rapport aux avocats (qui exercent en cabinet)?

Laure Lavorel: Contrairement à ce qui existe dans les pays anglo-saxons et dans la plupart des juridictions européennes, les juristes d’entreprise en France ne sont pas membres du barreau et ne disposent pas d’un statut spécifique.

S’ils sont aujourd’hui tenus au secret professionnel par le biais de leur adhérence au code déontologique commun au Cercle Montesquieu et à l’AFJE, leurs écrits, que ce soit en matière de conseil ou de contentieux, ne sont pas protégés par la loi. Ils peuvent ainsi être librement saisis dans le cadre de procédures judiciaires ou conduites par les autorités de régulation.

Cette carence est une source de fragilisation des entreprises françaises. L’impossibilité pour les juristes d’entreprise français de formaliser par écrit leurs recommandations ou même d’auditer les pratiques de leur entreprise dans des domaines aussi sensibles que la lutte contre la corruption ou le blanchiment d’argent, les sanctions internationales ou la délinquance financière, au risque de voir leurs écrits utilisés contre leur entreprise, fragilise l’efficacité de la prévention des risques juridiques et de conformité et fait ainsi des entreprises françaises la cible privilégiée des régulateurs internationaux.

Par ailleurs, elle n’est pas sans conséquence d’un point de vue historique et démocratique. Elle fait de la France, pays de la Déclaration des Droits de l’Homme, un des derniers pays de l’OCDE à ne pas reconnaître le droit de la défense en entreprise.

Veronica Pastor

Pastor: In 2020, the French Ministry of Justice proposed a bill, in draft form, that would have recognized attorney-client privilege for in-house counsel as part of a new status for in-house lawyers. The status would have been applied as an experiment, under certain limited circumstances and in limited geographical areas.

Can you explain the context and what these rules would have meant?

Lavorel: The Minister of Justice Eric Dupond-Moretti made an excellent initiative that raised a lot of hope among in-house counsel and business lawyers, who understand the issues that businesses face. The draft bill was intended to be submitted for consultation and for improvement, with input from bar associations and in-house counsel associations, including Cercle Montesquieu.

This draft proposed to create, as a temporary experiment, an “employed lawyer” status, under which legal opinions and analyses would have been protected from disclosure — one similar to the legal privilege most countries observe.

This experiment, that regional bars could adopt voluntarily, would have allowed a test of how robust and effective the proposed reform was on a reduced territorial scale, and to consider its effect on law firm lawyers. In the end, the reform was abandoned for political reasons.

Pastor: En 2020, le Ministère de la Justice a proposé un projet de loi qui reconnaîtrait le secret professionnel pour les juristes d’entreprise dans le cadre d’un nouveau statut d’avocat en entreprise. Ce statut se serait appliqué à titre expérimental, sous certaines conditions et dans certaines zones géographiques limitées.

Pouvez-vous expliquer le contexte et ce que ces règles auraient signifié ?

Lavorel: Le Ministre de la Justice, M. Eric Dupond-Moretti, a eu une excellente initiative qui a suscité beaucoup d’espoir au sein des juristes d’entreprise et des avocats d’affaires, qui connaissent les problématiques des entreprises. Pour être plus précis, il s’agissait d’un avant-projet de loi qui devait être soumis à concertation et amélioré avec les instances représentatives des avocats et des juristes d’entreprise.

Cet avant-projet proposait de créer à titre expérimental l’avocat salarié d’une entreprise avec la confidentialité des avis et analyses juridiques (comme le legal privilege dans la plupart des pays du monde).

L’idée d’une expérimentation pour les barreaux volontaires aurait permis de tester sur une échelle territoriale réduite la robustesse et l’efficacité de cette réforme, et d’envisager les contraintes qu’elle aurait pu faire peser sur les avocats mais elle a été finalement abandonnée pour des raisons de conjoncture politique.

Pastor: The proposal was withdrawn, as you noted, in late February 2021. What were the reasons for this change of direction, and what effect do you see it having on French in-house counsel?

Lavorel: Mostly politics caused it to be abandoned. The French legislature was at the end of its mandate and facing elections.

We want discussions to resume as soon as possible under the aegis of the Ministry of Justice and in collaboration with the Ministry of the Economy and Finance, with representation from business organizations, which support this reform, since it primarily affects businesses. France needs to equip itself with legal tools to protect in-house counsel’s advice and work product for two reasons: to avoid putting French businesses at a disadvantage in extraterritorial investigations and to firmly establish the right of defense for companies.

France needs to equip itself with legal tools to protect in-house counsel’s advice and work product for two reasons: to avoid putting French businesses at a disadvantage in extraterritorial investigations and to firmly establish the right of defense for companies.

Pastor: Comme vous venez de l’indiquer, à  la fin du mois de février 2021, la proposition a été sommairement retirée. Quelles ont été les raisons de ce changement d'orientation et quel impact pensez-vous que cela aura sur la profession de juriste d’entreprise en France?

Lavorel: Les raisons d’abandon sont essentiellement politiques, la France étant en fin de mandat pour la législature actuelle et à nouveau en période électorale.

Bien entendu, nous souhaitons que ces discussions reprennent le plus vite possible sous l’égide du Ministère de la Justice et en collaboration avec le Ministère de l’Economie et des Finances, avec également les organisations patronales favorables à cette réforme qui les concerne en premier lieu. Il est important que la France se dote d’un arsenal juridique qui lui permette de sécuriser les avis juridiques dans les entreprises. L’objectif est double : protéger notre patrimoine économique des enquêtes extra-territoriales, mais également instaurer les droits de la défense dans les entreprises.

Pastor: Other countries, such as the United States, and several members of the Commonwealth, including the United Kingdom and Canada, recognize attorney-client privilege for in-house counsel and consider it an essential asset to their businesses’ ability to compete globally. This approach is not limited to common-law countries, however. Belgium and The Netherlands, for example, have established mechanisms to protect the confidentiality of in-house counsel’s communications.

On July 1, 2021, new bar regulations went into effect in Spain — they specifically equate the status of in-house practitioners to their law firm counterparts and emphasize attorney-client privilege as an important tool that advances the interests of Spanish businesses.

How do French in-house counsel view this discrepancy?

Lavorel: The gap between France and common-law countries is widening, as is the gap between France and other countries of civil law tradition such as Japan or Spain. Resolution of international disputes in France is in jeopardy. Paris and the loss of influence of French law causes legal departments of French companies to relocate abroad and discourages international companies from basing teams of lawyers in France, thereby shrinking the French legal market. Ultimately, this contributes to the decline of French business law firms.

From a broader perspective, the role of in-house counsel in the French economy, in our leading companies’ boardrooms, and in politics, is at the heart of this debate. Today, in-house counsel are not necessarily seen as strategic leaders but as experts, akin to legal engineers. American companies use law as a business tool for conquering markets or for innovation in regulated industrial sectors. The French tradition of involving in-house counsel when strategic decisions have already been cemented and face implementation difficulties, adversely impacts the French economy.

Pastor: D'autres pays, comme les États-Unis et plusieurs membres du Commonwealth, dont le Canada et le Royaume-Uni, reconnaissent le secret professionnel entre clients et juristes d’entreprise et le considèrent comme un atout essentiel à la compétitivité de leurs entreprises à l'échelle mondiale. Cette approche ne se limite d’ailleurs pas au monde de la common law. Par exemple, la Belgique et les Pays Bas ont mis en place des mécanismes pour protéger la confidentialité des communications des juristes d’entreprise.

Le 1er juillet, un nouveau règlement général du barreau est entré en vigueur en Espagne –il assimile spécifiquement dans un même statut les juristes d’entreprise et leurs homologues qui exercent en cabinets d'avocats, et met l'accent sur le secret professionnel comme un outil important qui promeut les intérêts des entreprises espagnoles.

Que pensent les juristes d’entreprise français de cet écart ?

Lavorel: L’écart qui se creuse entre la France et les pays de common law, mais également les pays de tradition civiliste comme le Japon ou l’Espagne, pose la question de l’influence du droit français et de Paris Place de Droit dans la résolution des litiges internationaux. Au-delà de la perte de rayonnement de notre droit, la délocalisation de certaines directions juridiques de groupes français, ou le refus de groupes internationaux de baser des équipes de juristes en France présentent un risque de rétrécissement des marchés du droit. Cela pose la question de la décroissance des cabinets d’avocats d’affaires français.

De manière plus globale, le sujet de la place des juristes dans l’économie française est au cœur de ce débat — leur place auprès de la classe politique et au niveau des conseils d’administration de nos champions nationaux. La figure du juriste n’est pas vue comme celle d’un leader stratégique mais comme celle d’un expert, un ingénieur du droit. Les entreprises américaines utilisent la science juridique comme un outil commercial pour la conquête de marchés ou en matière d’innovation dans les secteurs industriels réglementés. La tradition française de recourir aux juristes lorsque les décisions stratégiques sont déjà prises et qu’elles se heurtent à une difficulté d’exécution pénalise notre économie.

Pastor: Tell us about your background and what you enjoy most about being an in-house lawyer. 

Lavorel: I am international general counsel and manager within the Broadcom group in Switzerland. Before joining Broadcom, I worked in private practice in Paris and as a judge at the Paris Commercial Court. In 2019 I became president of the Cercle Montesquieu, the association of French general gounsel. As such, I regularly contribute to initiatives aimed at promoting the role of law in the country’s economic life and in the digital revolution.

I have always been guided by the belief that there is no sustainable social development without economic stability, and that economic stability depends on robust legal rules.

In-house counsel are moving from the role of business partner to that of business driver. I have always been guided by the belief that there is no sustainable social development without economic stability, and that economic stability depends on robust legal rules. The role of in-house counsel is that of officer of the court in the company and the guardian of sound governance, capable of bringing robustness and security to strategic decisions.

Pastor: Parlez-nous de votre parcours professionnel et de ce que vous aimez le plus dans votre métier de juriste d’entreprise.

Lavorel: J’occupe en Suisse un poste de directrice juridique internationale et de dirigeante au sein du groupe Broadcom, après un parcours professionnel à Paris en tant qu’avocate et juge consulaire. Présidente depuis 2019 du Cercle Montesquieu, l’association des directeurs juridiques français, je contribue régulièrement à des initiatives visant à promouvoir la place du Droit dans la vie économique et la révolution digitale.

Les juristes d’entreprises sont en train de passer du rôle de Business Partner à celui de Business Driver. J’ai toujours été guidée par la conviction qu’il n’y avait pas de développement social pérenne sans stabilité économique et que celle-ci passait nécessairement par la robustesse de règles juridiques. Le rôle du juriste est celui d’un auxiliaire de justice dans l’entreprise, le gardien d’une saine gouvernance, capable d’apporter robustesse et sécurité aux décisions stratégiques.